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Alexandra Place

4 janvier 2006

2006 : la revanche sociale en marche

2006 : la revanche sociale en marche

Le Père Noël et Saint Sylvestre ont eu fort à faire pour que la fête soit au rendez-vous. Ils n’étaient pas aidés. Leur mérite est grand d’avoir suscité un peu de joie et d’espérance.

Beaux sapins, santons et cadeaux, champagne, cotillons et meilleurs vœux n’ont occulté que quelques heures la dureté des temps. La plupart des têtes et des cœurs sont restés habités par la préoccupante réalité économique et sociale. Le caractère raisonnable des dépenses et la nature souvent très utilitaire des présents reçus ou offerts, ont d’ailleurs confirmé l’omniprésence de l’inquiétude. La faible distance séparant le bien-être du malheur est désormais connue de tous. D’ailleurs, comment pourrait-on ne pas savoir ?

Maraudage et succès des Restos du Cœur

Nous avions déjà conscience que, dans notre île, le chômage mettait en grande difficulté nombre d’individus et de familles. Ces dernières semaines, les médias, ont montré que le pire était devant nous. Nous avons appris qu’à Ajaccio, il avait fallu aménager trois centres d’accueil pour héberger les SDF. Nous avons aussi constaté qu’avec le « maraudage » des bénévoles, les nuits d’hiver des villes de l’Ile de Beauté ressemblaient à celles des grandes cités du Continent. En outre, alors que le « succès » des Restos du Cœur avait déjà révélé que des familles insulaires vivaient avec la faim, nous savons maintenant que l’on couche dehors à deux pas de nos logis. Enfin, depuis quelques jours, nous ne pouvons plus ignorer que, dans nos villages et nos villes, des milliers de personnes âgées sont au bord de la pauvreté ou y sont plongées.

Honte à nous ?

Pour expliquer ces situations de détresse, les mêmes médias qui les donnent à voir, avancent souvent des explications mettant en cause notre culpabilité. Eh bien non ! Ces explications ne tiennent pas la route. Elles ne sont valables que dans un nombre réduit de cas. Le chômeur, l’affamé et le SDF ne nous sont pas imputables ! Le nombre d’enfants n’ayant cure de leurs ascendants n’excède pas celui des parents battant leurs progénitures ! Les causes de toutes ces misères sont autres. Avant de nous inviter à battre notre coulpe, nombre de chroniqueurs devraient plutôt jeter un regard investigateur sur les agissements de certains acteurs économiques. Mais le peuvent-ils ? Pas vraiment si l’on considère que la plupart de ces acteurs ne sont autres que les actionnaires ou les grands comptes publicitaires des grands médias.

La marque de la Bourse et des possédants

La cause fondamentale de l’immense détresse qui frappe à nos portes est d’essence économique et sociale. Depuis quelques années, nous vivons une véritable revanche sociale. Celle-ci prend même des airs de Restauration de la toute puissance du Capital. En effet, au fil des ans, les droits et revenus du salariat et des retraités, tout comme ceux des petits entrepreneurs, commerçants et artisans, sont un peu plus rognés. Quant aux pauvres, anciens ou nouveaux, ils sont condamnés à souffrir, subir et se taire. Et, à n’en pas douter, le tour des professions libérales viendra bientôt. Le 21e siècle remet en cause les conquêtes sociales du 20 e. Profitant de la mondialisation des échanges, de la concurrence débridée et du libéralisme ambiant, la Bourse et les possédants impriment leur marque. L’Etat devenu à leur botte et le grand patronat ne rencontrent plus les organisations syndicales ou la société civile que pour imposer la loi du profit maximal et consolider le bénéfice de quelques uns. Il n’est plus question d’aboutir à des compromis acceptables entre le monde du Capital et celui du Travail. Même la protection des plus faibles n’est plus à l’ordre du jour. Désormais, le dialogue et la concertation se résument à l’annonce de mesures visant à des retours en arrière : flicage des jeunes, des chômeurs et des ayant droit sociaux ; suppression autoritaire de primes ou de journées RTT ; précarité des contrats de travail ; dégradation des conditions de travail au nom de la productivité…

Par ici les pièces jaunes !

La solidarité sociale qui pourrait limiter les dégâts est aussi battue en brèche. L’apport citoyen, collectif et proportionnel que représentent l’impôt et les retenues sociales, est systématiquement dénigré. On préfère inciter au don volontaire et même y encourager fiscalement. Culpabilisés par les grands médias, les moins fortunés sont quasiment sommés de mettre la main à la poche. Donnez vos pièces jaunes ! Téléphonez vos promesses de don ! Adressez vos chèques « Boîte postale 000 » à l’ordre de « machin chose » ! Quant aux possédants, dont la cupidité est la cause de la plupart des misères du monde, ils font dans la générosité facultative et médiatisée. Ce qui, outre la réalisation de substantielles économies, leur donne le beau rôle. Enfin, on assiste à la dénaturation objective des démarches d’un l’Abbé Pierre ou d’un Coluche. Alors que celles-ci avaient pour but initial d’aider à faire reculer la pauvreté, elles sont désormais condamnées à la rendre supportable. Par faute d’une moindre solidarité sociale. A cause d’une montée en flèche des besoins. Ce qui, en retardant la révolte et au corps défendant de milliers de bénévoles et de millions de donateurs, arrange bien ceux qui se gavent et se gaussent de l’exploitation de l’homme par l’homme.

Alexandra Sereni

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